ROYAUMINE
ou
l'herbe je-veux
Extrait
Numéro 8
Ohhh mon lecteur fidèle,
T’ai-je manqué ?
Je suis de retour, oui, moi, Royaumine, princesse des collines !
Certains de vous s’imaginent que les princesses ont la belle vie, qu’elles sont capricieuses et qu’elles ne font que ce qu’elles veulent…
Grave erreur…
J’ai aussi des devoirs, comme tu l’as constaté.
Au Royaume des Fleurs, les héritiers doivent suivre des protocoles sévères d’initiation à la couronne. J’ai traversé le premier la tête haute (la visite de l’asile où se cachent les individus atteints de la rumeuroïde, lis l’extrait 5 si tu as zappé !!).
Le deuxième, par contre, était fort agréable… il s’agissait du stage dans les espaces gourmands.
Tu sais mon lecteur, entre les différents extraits, je passe mon temps à inventer des stratagèmes pour trouver cette herbe magique.
Que d’histoires vécues, tu ne peux même pas t’imaginer. Tu le sauras quand tu auras le livre issu des arbres dans tes mains.
Les obstacles sont nombreux tu vois. Et tous ces devoirs qui ralentissent la recherche…mais parfois, ils me donnent des pistes intéressantes…
Durant les trois prochains billets, je te montrerai une minuscule fenêtre de ce que j’ai vécu dans les espaces gourmands.
J’ai nommé : Chef Cavici en cuisine, Chef Fernand en pâtisserie, et Monsieur Blaque le sommelier…
N’oublie pas, ma lectrice, que je vis dans un conte… un vrai conte avec des fées et des elfes… et des gens sérieux aussi bien sûr…
Aujourd’hui, c’est le chef pâtissier qui ouvre les extraits des espaces gourmands…
Pour le côté pratique, parce qu’il faut tout te dire (si, si, j’ai remarqué mon lecteur que tu étais très dissipé à la lecture…) : quand tu vois des (…), c’est qu’il y a eu des histoires entre les deux paragraphes, d’accord ? Ne t’endors pas juste-là, ce serait un affront à Chef Fernand le pâtissier du bonheur !
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Royaumine, princesse sur terre
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(…)
Dans le fond de la cuisine, séparée par des murs épais, s’écoule en tic tac une cadence d’un autre temps.
Finis les bruits des ustensiles dans un vacarme soutenu et les odeurs de poisson gras et de verjus, ici on s’immerge dans une atmosphère molletonneuse aux contours d’essence de vanille, d’eau de rose, d’huile d’amande, de cannelle, de citron, ou d’anis. Roi dans son royaume, Fernand le pâtissier initie la princesse aux délicatesses les plus fantaisistes : biscuits et tartes aux fruits, mousses onctueuses, fondants harmonieux, caramels au beurre salé, gaufres à la pistache, mignardises, petites crêpes, pains d’épices.
Dans cette caverne féérique où les effluves de galettes chaudes éveillent le romantisme, rien n’est légué à l’imprévisible.
Chef Fernand sertit ses gestes, tel l’orfèvre, avec exactitude et gravité, et chaque gramme de farine, d’œuf, de lait et de graines est méticuleusement pesé et utilisé. Il exalte sa passion dans cet ermitage enchanté et lumineux, et si les journées grisaillent et pleuvochent, son talent les transmute en instants de soleil et de couleurs. Son imagination débordante ne rencontre aucune désobéissance.
(…)
La pâtisserie pollinise l’imagination féconde de Royaumine. Toute douceur dressée par Chef Fernand se transforme en nuage, en danse, en elfe, ou en lichen. Et depuis peu, en herbe je-veux.
Mais le cœur de Fernand bat pour une spécialité rare. Seul le Royaume des Fleurs possède ce nectar jouissif et Royaumine apprend avec stupéfaction que les gens accourent de tous les horizons pour en déguster un carré !
Mère Reine, au demeurant exacerbée par les trop nombreux visiteurs, a ordonné la construction d’une voie qui les conduit directement à la porte d’entrée de la chocolaterie, sur laquelle on a installé une clochette qui avertit Fernand d’une visite gourmande.
(…)
En trois inspirations et expirations, le pâtissier du bonheur poursuit le périple, alors que Royaumine, gagnée par la fatigue, entend sa voix en sourdine agréable.
— Ainsi choyées, les perles atteignent le Cercle de la Terre où elles sont accueillies avec faste par le maître du lieu. Madame Physie est l’unique privilégiée, parmi toutes les sorcières que comptent les contrées, à accéder aux fèves d’exception, qu’elle rapportera au château dans la plus grande discrétion. Certains savants manipulant avec prouesse la chimie ont tenté de reproduire la molécule de l’élixir, en vain. Leurs efforts ont échoué aux frontières de leurs formules artificielles. Le chocolat, c’est une histoire naturelle de longue haleine.
Dès l’instant où les âmes abandonnent leur fatigue aux astres, Chef Fernand se consacre à la fabrication du nectar.
Concassées, les fèves célèbrent leurs parfums de jasmin, de fruits, de fleurs. Le pâtissier se délecte et renifle longtemps les pétales de senteurs qui se répandent dans la pièce. Il les glisse ensuite dans un torréfacteur, un petit nid douillet où elles seront rôties à haute température. Cette technique évapore les acides volatils, facilite la séparation de l’amande et des coques, et surtout, délie les bouquets du chocolat. Fernand craint cette ardue opération qui, si elle échoue, extermine en quelques secondes les bijoux.
Durant tout le déroulement, suant en marées montantes, les yeux fixent en permanence les graines, et d’instinct, il décide de l’instant crucial où il arrêtera la machine.
Selon les instructions minutieuses de Madame Physie, il les broie ensuite dans un moulin qu’il a construit avec Henri. C’est son étape préférée, celle qui produit une liqueur compacte, le beurre de cacao, qui déclenche chez le pâtissier une émotion intense, presque lancinante. Par un mouvement extrêmement lent, comme lors d’un rituel sacré, il trempe le bout de son index dans le fluide noir, le frotte doucement sur le palais, et expire par le nez afin de faire passer dans son cerveau chaque particule d’arome. Ô miracle, il y découvre des notes torréfiées, acidulées, amères, et douces.
Silencieux, il contemple le prodige, et verse des larmes devant les ressources de la création.
Plus tard, pendant l’affinage de la liqueur, il créera les petits confettis fantaisistes en y incorporant du miel, du sucre et des épices. Jailliront de leurs tiroirs magiques les arômes profonds du breuvage des dieux !
À l’aube, le maître quitte la chocolaterie, les cernes creusés, en emportant dans son lit la gravure de chaque note de cette composition si fragile, si inconstante.
(…)
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