ROYAUMINE
ou
l'herbe je-veux
La fratrie (dans les Alpes)
Cher toi (masculin et féminin),
D’abord : tu cesses de gigoter dans tous les sens. Tu te concentres. Tu inspires et expires l-e-n-t-e-m-e-n-t.
Juste pour le plaisir de profiter des prochaines lignes en profondeur. Sinon, ça vaut pas la peine.
Prêt (masculin et féminin)?
Je débute : je sais...je t’ai dit il y a quelques semaines, de manière très solennelle, que c’était le dernier extrait que je partageais avec toi avant la sortie du roman.
Mais la sortie du roman, c’est loin... et les esprits créatifs ont ce petit quelque chose d’égocentrique, voire de narcissique. Je n’y échappe point, je l’avoue.
Tu sais, ma lectrice (femme et homme), tu ne peux rien me cacher : j’ai constaté que tu préfères les extraits avec l’héroïne des temps modernes plutôt que ceux avec la princesse dans le conte. Serait-à dire que tu préfères les choses rudes de la vie actuelle à la légèreté (apparente) d’un conte ?
N’éprouves-tu donc pas l’envie de te replonger dans ton enfance, là, juste le temps d’un slow –read ? Essaie juste.... et écoute...
L’auteure
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(...)
Devant les longues ondulations causées par l’érosion apparaissant par endroits à la surface, les larmes humidifient les yeux de Dynamito. Étrangement, ce paysage apaise la fratrie qui écoute le silence de la nature.
— C’est quoi les Alpes ? demande Royaumine en cassant la quiétude.
— Dynamito, sans vouloir aucunement t’offenser, il est temps de pauser et nous sustenter. Les pieds de notre sœur naviguent dans l’eau et il serait malaisé de la ramener malade au château. Qu’en penses-tu ? Suggère Léonino dans une candeur extrême, pour prévenir une réaction impulsive de son frère.
Le cerveau de la course garde raison et acquiesce à la requête de son acolyte. Le creux d’un rocher façonnant une cavité sèche les accueille. Dynamito, roi de l’anticipation, sort de sa besace du saucisson, du pain et des biscuits. Il avoue les avoir volés durant la nuit afin d’être sûr qu’on ne lui poserait pas de questions ce matin tôt. Les trois complices éclatent de rire en imaginant Chef Cavici s’insurger contre les cambriolages internes.
Royaumine, frigorifiée, reçoit les faveurs des garçons : la pèlerine de Dynamito, les chaussettes de Léonino. La brume s’ennuyait et voilà que l’accompagne une fine pluie qui dégouline dans leurs cous fatigués.
Dynamito, la bouche pleine, compense la fatigue par la nécessité d’une escarmouche. Il se lève, secoue la boussole, l’accuse des maux de la journée, et s’emporte contre son frère. Ce dernier demeure placide et propose une interprétation qui fera bondir le seigneur : tout incident sur terre contient une justification systématique, ce qui prouve qu’ils sont égarés dans un but précis.
—Toi, tu crois que chaque chose dans l’univers trouve une démonstration rationnelle. Tu es un intellectuel, c’est parfait, et je t’admire pour tes mots érudits. Mais les philosophes n’ont pas régné sur les mondes ! Tu es l’héritier de la couronne, et tant mieux, même si tu ne manies ni glaive ni ne montes à cheval, et par-dessus tout, tu es incapable de donner un traître ordre à une fourmi !
— Mon choix ne s’est pas porté sur les rênes de la monarchie et je privilégierais le professorat dans l’illustre université du Royaume des Arbres Éternels.
Le ciel se couvre et s’énerve, déverse des torrents de larmes, mais les deux frères, imperturbables dans la concurrence, propulsent leurs projectiles verbaux. À qui octroie-t-on les privilèges les plus princiers, à qui autorise-t-on de lire avant le coucher, qui mange les petits plats délicats lorsque la fièvre le berne, qui revêt des habits neufs, qui punit-on moins quand il brave la nature, qui saute le dîner parce qu’il étudie.
La joute oratoire se prolonge tandis que Royaumine, grippée entre les deux, les fesses sur un caillou pointu, dodeline tantôt vers l’un, tantôt vers l’autre, sans parvenir à prendre partie. Tous deux l’attendrissent, et tous deux l’excèdent.
— Et qu’est-ce que c’est «intellectuel » ? crie-t-elle la bouche chargée de biscuits de Chef Fernand, en postillonnant les miettes dans le vent.
Dans un cahot de stupéfaction, Léonino et Dynamito réalisent la présence de leur sœur. (...)
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